Merci à Charlotte Perriand est une installation qui raconte une histoire, dont le point de départ est une image du fauteuil Chamrousse de Charlotte Perriand, trouvée à la page 43 du livre “TECHNIQUE ET FORME” Le siège en bois (catalogue d’une exposition LAC & S à Vassivière).
Sans que je sache ce qui a motivé cette décision, j’ai tenté de reproduire à l’identique le document original en fabriquant le fauteuil représenté.
Pour fabriquer ce fauteuil, il m’a fallu déterminer ses dimensions et ses proportions. L’image étant détourée, il m’a été impossible de trouver le point de fuite qui aurait donné le géométral et donc les proportions au sol. Mon travail a alors consisté à déterminer de manière expérimentale et à vérifier par la photographie : la distance et la hauteur du point de vue, l’angle de visée sur la ligne d’horizon, la focale selon le format de l’appareil, l’orientation, les dimensions et les proportions du fauteuil, ainsi que sa symétrie sagittale, chaque étape ayant donné lieu à des tirages à l’échelle 1, annotés après contrôle avec une photocopie du document original sur un support transparent.
Cela a représenté quelques 600 photos dont une centaine est exposée, et la réalisation de 2 fauteuils différents débités à l’égoïne dans des palettes d’orme puis de chêne.
L’ossature une fois conforme a été paillée, puis photographiée à nouveau pour tenter de reproduire par tâtonnements successifs l’éclairage original, et le cliché le plus vraisemblable a été agrandi et détouré à la gouache pour être confié à un imprimeur offset, chez qui le papier a été choisi.
Je n’ai, à l’issue du procédé, aucune garantie que l’objet fabriqué est conforme à celui qui a servi de modèle au document original et les différences sont nombreuses entre le document original et le document reproduit.
L’installation montre toutes les étapes du dispositif, de façon chronologique, du document original au document final (c’est en ce sens qu’elle raconte une histoire), y compris le fauteuil.
Ce fauteuil est perçu d’abord comme un fauteuil avant que la lecture des documents muraux ne permette de l’appréhender comme un objet fabriqué pour les besoins de la démarche.
A un autre niveau, l’histoire se situe dans la relation spatiale et symbolique qu’entretiennent ce fauteuil et les photos au mur qui montrent les étapes de sa fabrication. C’est une sorte de face-à-face complice qui leur permet de témoigner l’un pour l’autre (chacun de l’existence de l’autre). L’installation se complique encore du fait qu’il y a deux positions possibles du spectateur : sur le fauteuil ou à coté.
Assis ou debout.
Assis, on est arrivé.
Le fauteuil est assis. Le fauteuil regarde ses origines, sa genèse. Le fauteuil est content de lui, c’est un parvenu.
Debout (et le fauteuil n’est jamais debout), on contemple l’ensemble du dispositif, il est permis de voir les ficelles, la clôture du système, la tautologie (la joie du fauteuil).
L’installation n’est pas sans équivoque et offre plusieurs interprétations. Parmi elles : la tentation cynique de manifester une indifférence au sujet sur lequel on peut s’asseoir pour contempler son image (je suis assis sur le sujet), ou une manière tout aussi cynique d’indiquer la valeur de la démarche par la quantité de travail fourni pour la mener à bien, et la nécessité de laisser intact le mystère initial de la rencontre avec cette image que de toute façon la méthode choisie ne contribue pas à élucider.