DALBAVIE productions

Les tableaux honnêtes

Chaque tableau est constitué de 2 plaques de verre de 21x27 cm, collées entre elles avec une résine catalysée aux ultra-violets qui rend l’ensemble indécollable, elles renferment soit un billet de banque, soit un chèque bancaire signé et, dans les deux cas, un cartel indiquant le nom de l’artiste, la date de création et le titre de l’œuvre. Au dos de chaque tableau est collé un anneau qui permet de l’accrocher au mur.

Les tableaux sont absolument transparents, au sens où tous les constituants physiques de l’œuvre sont visibles.

Les tableaux sont mis en vente au prix indiqué sur le chèque ou sur le billet.

Chaque élément cité plus haut est constitutif du travail, à l’inverse d’un montage classique de sous-verre qui protège l’œuvre, la met en valeur comme le ferait une vitrine tout en étant distinct de celle-ci. Le “contenu”, dans le cas de ce montage étant un signe vide, c’est le “contenant” qui est montré, ce qui rend le dispositif à la fois entièrement transparent et totalement superficiel. Ne rentre d’ailleurs dans le montage physique des tableaux honnêtes que ce qui est déjà plat.

Les tableaux sont honnêtes parce qu’ils ne cachent rien et permettent le remord : l’acquéreur peut à volonté conserver l’œuvre tant qu’il lui trouve un intérêt esthétique ou spéculatif, ou bien la détruire pour récupérer sa mise à tout moment.

Dés lors, se pose la question du prix. Naturellement chacun peut acheter selon ses moyens, mais pourquoi acheter un million de Francs un tableau qui ne diffère de celui à mille deux cent que par le montant du chèque?

D’un point de vue spéculatif il ne semble pas intéressant d’acheter le tableau le plus cher: rien en effet ne garantit une évolution de la côte au pro-rata du prix d’achat. Afin de ne pas pénaliser sur ce plan les tableaux les plus chers, il suffit d’en faire moins que des tableaux bon marché, afin que leur rareté relative accroisse le rapport d’évolution de la côte (les pauvres d’autre part étant plus nombreux que les riches, il y a dans cette répartition une logique satisfaisante pour l’esprit et adaptée aux exigences du marché).

- ”Et d’ailleurs, la preuve que les tableaux honnêtes sont une entreprise artistique et pas une opération mercantile, c’est qu’avec les tableaux qui intègrent un billet je perds de l’argent.”

Quoi qu’en fassent leurs propriétaires en effet : destruction en vue de récupérer la mise, ou conservation intéressée ou désintéressée et quelle que soit l’évolution de leur côte sur le marché de l’art, j’ai perdu dans la transaction le travail fourni et le prix des matériaux autres que le papier-monnaie.

Mai 2000